Acquéreurs et cédants : comment éviter les écueils lors des transactions des cabinets dentaires ? (1/3)



Les acquéreurs

 Il en est des cabinets dentaires comme de toute activité commerciale : la loi de l'offre et de la demande dirige le marché. La démographie professionnelle est ainsi faite que de nombreux praticiens approchent de la retraite, et envisagent de céder leur activité. Face à ces départs importants, la demande est moindre. Les facteurs sont connus, et nul n'est besoin ici de les rappeler. Notons toutefois, que l'origine géographique internationale des nouveaux entrants est source de confusions et de non-dits. Nous n’entrerons pas dans ces considérations. La validation des diplômes est attestée par un corps intermédiaire qui, à ce jour, est le seul compétent pour entériner ces décisions. On peut le regretter ou s’en accommoder. A chacun son opinion. Dont acte.
Ainsi, l'offre débordant la demande, on serait en droit de relever pléthore de cabinets dentaires à céder, et quasiment aucune demande d'achat, celles-ci ayant été satisfaites par les nombreuses propositions. Or, même si la quantité de cabinets dentaires à transmettre reste très importante, nombre de praticiens ne parviennent pas à dénichent pas l’objet de leur recherche. Ce n'est pas la crainte de se lancer qui les empêche de franchir le pas, mais, c’est bien que l'offre ne les contente pas toujours.
Leur demande profonde n'est pas toujours exprimée. La projection dans l'avenir, il est vrai, est assez ardue dans ces temps troublés de la profession. Néanmoins, celle-ci perdurera, mais nul n'est besoin d'être devin pour présager une modification conséquente du paysage dentaire dans les années à venir. Il suffit de constater les changements dans tous les secteurs de la santé depuis 10 ans. Pour autant, le besoin de soins buccodentaires demeurera toujours.
Si la demande n'est pas ou mal exprimée, c'est aussi par manque de vision, voire de connaissance. Les nouveaux arrivants n'ont pas toujours l'idée d'un cabinet idéal, dans lequel ils souhaiteraient investir. Il n'existe pas de "cabinet parfait" dans l'absolu, chacun se faisant une image de son eldorado. La localisation, la taille des locaux, la hauteur du chiffre d'affaires, le type d'exercice, la description du matériel, etc., sont autant de critères que l'acheteur doit étudier. Mais le rapprochement entre ses souhaits et les offres, lui cause assez fréquemment un sentiment de frustration. En effet, la projection de ce qu'il désire pour son avenir professionnel est généralement éloignée, voire très distante des cabinets qu’il trouve à acheter sur le marché.
L’idéalisation de la pratique dentaire impose un remodelage, parfois hors de propos, des cabinets à acquérir. Du moins c’est souvent ce que le futur entrant pense. Il est réel que certains cabinets dentaires, en apparence du moins, peuvent présenter des aspects négatifs, suffisants pour rebuter les ardeurs d’un acheteur potentiel. Mais il est parfois nécessaire de simplement modifier, voire d’agencer quelques composantes d’un cabinet afin qu’il se rapproche d’un souhait professionnel.
Avant de se décider à acheter un cabinet dentaire, trois questions principales doivent être abordées :
ü  Quel type d’activité immédiate ? Omnipratique, parodontologie, implantologie, esthétique, orthodontie, etc. Ou bien un mixte de certaines catégories. Bien entendu, aucune limite à cette interrogation, et l’évolution dans le futur doit être envisagée.
 
ü  Quel type de structure ? Un fauteuil, plusieurs fauteuils, un bloc opératoire, une radio panoramique, un cône beam, etc. Ici aussi, il est sain de réfléchir à la possible évolution des murs, voire à un futur déplacement de l’activité du cabinet dentaire dans des locaux plus adaptés. 
 
ü  Quelle caractéristique de l’activité dentaire ? Crainte de la proximité des confrères, qualité des formations continues à acquérir, parcours universitaire, désir de périodes de congés importantes, hauteur des résultats financiers, souhait de partager, aspirations culturelles diverses, association, etc.
Ce dernier point, caractéristique de l’activité dentaire, est malheureusement souvent omis, et c’est en réalité le plus important. Il est le véritable point de départ d’une recherche. Tous les praticiens n’ont pas les mêmes ambitions ni les mêmes aspirations, mais tous ont à cœur de réussir leur parcours professionnel. Ainsi, il est essentiel de se poser LA bonne question en préliminaire : « A l’heure de ma retraite, lorsque je regarderai mes années d’exercice dentaire, aurais-je eu la vie à laquelle j’aspirais ? ». La réponse passera par le choix du projet, en amont, des caractéristiques de l’activité dentaire que l’on souhaite. Trop de frustrations professionnelles proviennent de cette étape manquée. Et pourtant, les aides à la réflexion ne manquent pas, que ce soient les confrères ayant déjà un parcours aguerri, les amis et proches, les conseils en tous genres, etc.
Un autre item est extrêmement important, et doit être mûrement réfléchi : c’est celui de l’association. Il n’y a, à ma connaissance aucune statistique concernant les ruptures d’associations, que ce soit en quantitatif ou en qualitatif. Mais force est de constater que l’on trouve des associations qui cheminent parfaitement (pour autant qu’aucun enjeu ne vienne les perturber) et d’autres, cause de profonds traumatismes pour les praticiens. Il parait assez ardu pour un nouvel entrant, d’intégrer un groupe dont la longévité est due à une succession de compromis, concluant à un équilibre. Mais ce n’est pas insurmontable, pour autant que la franchise soit de mise de toutes les parties. Peut-on tout de même, en quelques heures, jauger de la faisabilité d’un « mariage » de plusieurs années ? Seuls les candidats peuvent répondre à cette interrogation. Il n’existe pas de vérité. Certains coaches utilisent des outils pour appréhender le futur. Abordent-ils tous les tenants et aboutissants ? C’est un pari…
Corrélativement, certains acheteurs émettent le souhait de devenir, dans un premier temps, collaborateur du cabinet qu’ils envisagent d’acquérir. Tester avant d’acheter. La question, légitime, est d’en connaître la raison. Pour avoir questionné nombre de candidats à l’achat, le raisonnement proposé est l’incertitude dans laquelle se trouve l’acquéreur. Nous reviendrons sur ce point crucial et tout à fait dans le propos lors du deuxième article. Mais parfois, et trop souvent, de nombreux acquéreurs collaborateurs en vue d’association, ont vu les conditions d’achat tels le prix de vente, les loyers, etc., subir des augmentations injustifiées. Ainsi, les engagements n’étant plus respectées, les parties se séparent. L’acquéreur se retrouve à la case départ et tout est à refaire. Nous verrons dans le second article, l’autre côté de la balance.
Ensuite, et seulement ensuite, vient la phase de recherche du cabinet à acquérir. Les critères à consulter sont multiples : local, matériel, étude des SNIR et RIAP, contrats de travail, réglementations, déclarations comptables, etc.
Malheureusement, parmi toutes ces approches, le prix de vente du cabinet est trop souvent la première interrogation, avant toute autre, qui vient à l’esprit. Et pourtant, c’est la dernière qui devrait apparaître. En effet, achète-t-on un prix ou bien investit-on dans un outil de travail ? Le comble des affirmations dénuées de tout sens, est : « C’est trop cher ! », sans connaître, les éléments aboutissant à ce montant, le chiffre d’affaires et encore moins la rentabilité dégagée ! 400.000,00 euros : est-ce trop cher pour un appartement à objectif locatif ? Dans l’absolu, et sans données, qui pourrait répondre à cette question saugrenue ?
Oui, s’il mesure 100 m2, se trouve en zone désertique et dégage une rentabilité de 2% brut. Non, s’il mesure 50 m2, se trouve dans un quartier chic de Paris et dégage une rentabilité de 7% brut.
N’importe quel futur chef d’entreprise s’informe avant de prendre une décision l’engageant sur le long terme. Un cabinet dentaire est une micro entreprise, et de ce fait, il doit se gérer tel une entreprise. Le chirurgien-dentiste doit appréhender TOUS les facteurs qui le composent. Le prix d’achat n’est qu’une composante d’un tout.
Enfin, l’interrogation finale est la structure juridique employée pour le futur repreneur : BNC, SELARL, SELAS, Association, etc. Ici encore, et même exclusivement, la consultation de conseils juridiques et/ou comptables judicieusement sélectionnés doit prévaloir. Les conseils d’amis, de connaissances, voire les demandes sur les réseaux sociaux doivent être observés avec parcimonie et retenue. En effet, le choix du cadre juridique est soumis à des considérations personnelles et professionnelles qui doivent être scrupuleusement étudiées.
En conclusion, nul n’est besoin de se précipiter. Une interrogation fouillée du triptyque liminaire, une étude approfondie de sa demande, et enfin une prospection efficace d’un cabinet regroupant tous les critères personnels du praticien aboutiront inéluctablement à une acquisition raisonnée et déterminée.

M. Lionel ORTES, Directeur et fondateur de la S.A.S. Hippocrate-Transactions

A suivre...