Quels sont les facteurs influençant la valorisation d’un cabinet dentaire ?



 Introduction

La demande de valorisation d’un cabinet dentaire est concomitante à plusieurs évènements.
 
Ø  Majoritairement, elle est sollicitée par un praticien vendeur, que ce soit pour une cession simple ou une association. 
Ø  Parfois, c’est le praticien acquéreur qui cherche à connaître l’évaluation d’un cabinet dentaire qu’il souhaite acquérir.
Ø  Le passage d’une structure juridique à une autre, est une autre cause de requête.
Ø  A l’occasion d’un divorce, la valorisation de l’outil de travail est parfois demandée. 
Ø  Lors de difficultés financières professionnelles ou personnelles, les organismes financiers désirent connaître la valeur du patrimoine ; le cabinet dentaire en est un élément.
 
Dans le cadre de cette chronique, nous nous pencherons uniquement sur les transactions entre professionnels. Les cabinets dont l’activité a cessé depuis plusieurs mois ne seront pas étudiés car leur valorisation est sujette à des variations importantes. 
 
Trop fréquemment, la valorisation d’un cabinet est estimée en fonction d’un pourcentage du chiffre d’affaires. Ce ratio est, en général, extrait d’une étude publiée annuellement par Interfimo, un des organismes financiers de référence de la profession. Dans son rapport, cet organisme avertit le lecteur que les taux proposés ne sont que le reflet des ventes observées l’année précédente, et qu’en aucun cas, ils en sont une analyse de la valeur des cabinets dentaires. 
Par ailleurs, sont prises en compte, dans cette communication, les nombreuses cessions de cabinet dentaires de praticiens exerçant sous le statut fiscal BNC, et désirant transférer leur actif vers la SELARL qu’ils ont créée. Ces montants sont souvent surévalués, pour des raisons qui sont praticiens dépendants.
 
Ces valorisations sont donc, en grande partie, inexactes car non fondées sur une réalité économique.
 
Les éléments déterminants pour calculer la valeur d’un cabinet dentaire sont multiples et variables, selon les types de structures étudiées. Ils sont le résultat d’un audit complet du cabinet sans lequel l’on ne peut asseoir une valorisation fiable.
 
Pour ce faire, il faut tout d’abord considérer tous les documents du cabinet nécessaire à l’expertise. La totalité de ces documents peut paraitre fastidieuse à rassembler, mais elle est un préalable indispensable pour que le travail fourni soit d’une réelle utilité et le plus proche possible de la réalité du marché dentaire.

L’historique et les exerçants

L’historique du cabinet est le premier item à détailler afin de déterminer l’ancienneté du cabinet. Plus un cabinet a d’antériorité, plus sa valeur sera importante, eu égard à sa réputation. Inversement, un cabinet créé quelques années avant sa cession sera une source d’interrogations, et ce malgré les justifications évoquées à une cession proche de la création, qu’elles soient exactes ou inexactes.
 
Une association existe-t-elle ? Dans quelles conditions se déroule-t-elle ? Si la réponse à cette dernière question est la présence de conflits, il sera nécessaire de donner, au moins, une note négative à cet item. Par contre, si l’association montre une parfaite entente, voire génère un accroissement d’activité des associés, causée notamment par un partage de la patientèle trouvant dans ce cabinet une offre étendue de types de soins, cela entraînera de facto une augmentation de la valorisation.
Un collaborateur exerce-t-il ou bien a-t-il exercé au sein du cabinet ? S’il reste présent, pourquoi n’est-il pas intéressé par le rachat ? Si le cédant reste seul, il faudra examiner le chiffre d’affaires total du cabinet, ainsi que celui de chaque professionnel. La présence d’un collaborateur dans le cabinet est un point positif, pour autant qu’il reste dans le cabinet après la transaction, et que sa demande de rétrocessions futures demeure dans des proportions raisonnables.
 
Un cas de figure particulier est celui de la cession d’un cabinet de médecin stomatologue. Un chirurgien-dentiste pourra lui succéder, pour autant que certaines clauses soient indiquées dans l’acte de vente. C’est souvent un sujet impactant négativement la valorisation du cabinet.

Les locaux

L’immobilier est un élément, aux yeux des acheteurs, primordial. Nous ne reviendrons pas sur l’intérêt tangible d’investir dans l’immobilier de son outil de travail, notre avis différant sensiblement de ce que nous lisons dans les interventions des réseaux sociaux, voire dans les discussions entre professionnels dentaires. Quoiqu’il en soit, nous conseillons aux vendeurs de rester ouverts à toutes négociations concernant la vente de leur bien immobilier professionnel.
Parfois, le chirurgien-dentiste est locataire. Dans ce cas, il convient de s’assurer que le bail actuel est conforme avec les baux de la profession, qu’il est cessible, et surtout que la date de renouvellement par le bailleur est éloignée de la date de cession. Si ce n’est pas le cas, il conviendra de contacter le propriétaire afin de s’assurer qu’un nouveau bail soit rédigé, et dont les clauses seront compatibles avec la profession.

L’environnement professionnel


 Le décor géographique du cabinet doit être étudié scrupuleusement. Tout d’abord le nombre de praticien exerçant à proximité du cabinet, et surtout leur âge, est examiné. Certains cabinets totalement isolés sont particulièrement recherchés par une catégorie de praticiens. Si le cabinet est spécialisé, d’autres praticiens exerçant la même orientation professionnelle sont-ils installés à proximité ? L’exercice de l’omnipratique est plutôt favorable pour le calcul de la valeur, du fait de la demande plus importante.
Les tarifs pratiqués par les consœurs et confrères diffèrent-ils de beaucoup du cabinet ? La norme est favorable, alors que les écarts qu’ils soient positifs ou négatifs sont défavorables.

Le type d’exercice

L’hyperspécialisation de certains cabinets, est un frein à la transaction, car la demande est plus rare, hormis pour l’orthodontie. Elle est d’autant plus handicapante, que le praticien cédant travaille avec de nombreux correspondants, ceux -ci ne validant pas toujours, loin s’en faut, les relations avec le successeur. De même, la patientèle, plus exigeante qu’à l’accoutumée dans ce cas de figure, peut elle-même décider ne pas donner sa confiance au nouveau praticien.
 
L’activité du praticien est une analyse fine détaillant entre autres, le pourcentage du chiffre d’affaires de prothèses, de soins, de dépassement et de hors nomenclature.
Un équilibre entre ces composantes est un gage de valorisation positive, alors qu’une activité exagérée de prothèses ou de hors nomenclature risque d’inquiéter un éventuel acquéreur par crainte de ne pas pouvoir assumer le même chiffre d’affaires. Il est également en droit de se poser la question du renouvellement de patientèle, dans ce cas de figure précis. Au-delà d’un certain pourcentage du nombre d’actes prothétiques (à ne pas confondre avec le chiffre d’affaires), le tarissement de l’apport de nouveaux patients devient patent.
 
Ce qui importe fortement, n’est pas tant l’étude de la dernière année d’exercice, mais plutôt l’évolution sur plusieurs années, afin de connaître la tendance de ces indicateurs. Cette remarque est d’ailleurs valable pour les documents comptables examinés ci-dessous.

L’analyse de la patientèle

Simple à prendre en considération, elle comporte deux indicateurs importants. D’une part le taux de patients bénéficiaires de la CMU, qui ne devrait pas dépasser la moyenne de la région sous peine de malus de la valorisation. D’autre part, l’étude de l’âge de la patientèle détermine le potentiel de soins du cabinet. Pour que cet indicateur influe positivement la valorisation du cabinet, il faut trouver un équilibre dans les âges des patients. Une fois de plus, cette dernière remarque n’est évidemment pas avérée pour l’orthodontie.

Les salariés

Nous n’abordons pas les praticiens exerçant en salariat car les chiffres qu’ils dégagent sont toujours retraités en rétrocessions, ainsi que la masse salariale affectée à leur activité.
Le sujet délicat pour nombre d’acquéreurs et également source d’inquiétude, concerne le personnel, généralement composé d’assistantes dentaires. Deux indicateurs sont scrutés : la masse salariale et l’âge.
La masse salariale regroupe tous les salaires nets versés, y compris les primes, ainsi que les charges salariales et patronales, la taxe sur les salaires, sans oublier les versements aux organismes financiers pour l’intéressement ainsi que les primes octroyées. Enfin, il faut y ajouter tous les avantages tels que les chèques restaurants, chèques voyages, chèques cadeaux, etc. Il faut avoir à l’esprit que cette masse salariale ne saurait être réduite, sauf à pouvoir modifier bilatéralement les contrats de travail, ce qui est une hypothèse très peu probable.
Quant à l’âge des assistantes, est examiné le nombre d’années avant que la retraite ne soit prononcée d’une ou de plusieurs d’entre elles.
 
Évidemment, ces deux critères influent quasi toujours dans un sens négatif, s’ils sont tous deux hors norme, la masse salariale étant la seule modulable car ce n’est pas sa valeur absolue qui rentre en ligne de compte, mais son pourcentage en fonction du chiffre d’affaires.

Les charges du praticien cédant 

L’analyse des documents fiscaux est une étape importante de la valorisation, mais ne présente pas une prépondérance aussi forte qu’on pourrait penser. Pourtant, c’est la seule qui est parfois demandée, et ce à tort.
En effet, la comptabilité n’est que le reflet de l’activité du praticien cédant. Elle ne préfigure pas celle du futur acquéreur, si ce ne sont que les frais fixes, pour autant qu’ils ne soient pas négociables. C’est pourquoi, nous nous attarderons plus spécifiquement sur le compte de résultat prévisionnel, que nous détaillerons ci-dessous.
Par ailleurs, la comptabilité n’est quasiment jamais analytique, ce qui est dommageable pour une véritable étude comptable. Elle pourrait alors, si elle était en vigueur, déboucher sur un contrôle de gestion, outil générateur de sérénité pour le praticien.
 
On trouve sur internet des statistiques concernant les ratios en vigueur dans la profession. Certains écarts de ratios, tels que les frais de prothèses sont à mettre en corrélation avec le type d’activité, et doivent, par comparaison aider à la véracité des informations collectées.
Enfin, le ratio des charges sociales personnelles doit différencier les charges obligatoires et les charges facultatives.

Le passif

Le passif correspond, lors d’une expertise en vue d’une vente, à l’ensemble des charges que l’acquéreur aura à supporter, une fois l’achat acté.
Nous ne parlons pas ici du passif comptable qui ne nous intéresse pas, car il n’existe comptablement qu’au sein des sociétés. Or il est convenu, par une très grande majorité des acteurs de transactions, que les parts d’une société dans le milieu dentaire ne se cèdent pas, pour des raisons que nous ne détaillerons pas.
 
Ainsi, le passif d’un cabinet dentaire ne se transmet pas, hormis la mise en retraite de salariés, comme vu plus haut. Même un successeur ne peut être mis en cause lors d’un contentieux prudhommal, pour autant que la cause soit antérieure à la date de prise de fonction du cabinet dentaire, stipulée dans l’acte de vente.

Le matériel 

Le listing exhaustif de tous les biens corporels dont le praticien est propriétaire, doit être établi, car il est une des deux composantes du prix de vente du cabinet dentaire avec les biens incorporels.
Le fait qu’un matériel soit encore dans le tableau d’amortissement ne change pas sa valeur.
Il est important de connaître la date d’acquisition, l’état du matériel, et si possible le prix d’achat.
Le matériel de plus de dix ans n’a plus de valeur, excepté celui qui n’a pas de pièces d’usure importantes tels que les articulateurs, les LASERS, etc., mais dont la valeur subit tout de même un coefficient d’usure.
Il faut donc appliquer un pourcentage de vétusté à tout le matériel, variable selon son âge et sa catégorie.
 
Si le matériel a été financé par un prêt ou un leasing, deux cas de figures se présentent.
 
Ø  Soit le praticien cède, sous réserve de l’accord de l’organisme financier, le contrat au successeur. Dans ce cas, on ne doit pas lister ce matériel dans les biens à céder. Le montant des biens corporels est alors minoré. De plus, la valorisation du cabinet dentaire subira un impact négatif, car on impose au successeur de reprendre un contrat adossé à du matériel qu’il n’a pas obligatoirement désiré.
Ø  L’autre cas de figure est le remboursement par le praticien cédant du solde du capital restant dû ou des loyers restants dus, augmenté(s) des éventuelles pénalités. Les conséquences sont inverses au premier cas de figure.
 
Enfin, le praticien cédant peut avoir du matériel en location. Soit le contrat se termine au moment de la cession, et le matériel est restitué à son propriétaire. Il ne peut donc pas être cédé. Soit le contrat peut se transmettre et le successeur subit le nouveau contrat.
Le dernier cas de figure est plus contraignant pour le cédant. Le contrat ne peut être rompu, ni cédé. Le cédant doit faire son affaire des loyers restants dus, sans compensation financière de vente du matériel.

Le compte de résultat prévisionnel

C’est un élément essentiel de la valorisation d’un cabinet dentaire. Ce qui intéresse le praticien acquéreur, n’est pas tant ce que le praticien cédant dégageait comme rémunération, mais ce que lui, va pouvoir espérer libérer pour lui, de son investissement.
 
Premièrement, il faut appliquer un coefficient de diminution du chiffre d’affaires du praticien cédant et y ajouter une éventuelle rétrocession d’honoraires de collaborateur.
Ensuite, on doit reprendre les montants des charges fixes non modifiables, et les ratios de la profession concernant les charges variables, en les adaptant à l’activité particulière de l’acquéreur, par exemple : implantologie, charges sociales personnelles facultatives, frais de formations professionnelles, etc.
 
Ce compte de résultat prévisionnel, affiné et développé par un expert-comptable est indispensable au calcul de la valeur du cabinet, et sert de base, entre autres, pour la capacité d’autofinancement.

Les méthodes de calcul

La valorisation d’une entreprise, pour qu’elle soit fiable, est toujours fondée sur une moyenne de plusieurs méthodes.
 
Ø  EBE (Excédent Brut d’Exploitation) : c’est le flux de trésorerie de l’entreprise,
Ø  REX (Résultat d’EXploitation) : il mesure la performance économique de l’entreprise, i.e, sa capacité, en année non exceptionnelle, à générer des ressources,
Ø  CAF (Capacité d’Autofinancement) : capacité de l’entreprise à financer son propre financement,
Ø  GOODWILL : c’est ce qu’on appelle la survaleur d’une entreprise. En d’autres termes, c’est la différence entre sa valeur d’achat et sa valeur comptable.
 
On doit utiliser un mix de plusieurs méthodes, et ne pas se contenter d’une seule. Il faut également avoir à l’esprit, que la valeur d’un cabinet dentaire comprend deux composantes : les biens corporels et les biens incorporels. Il faut donc prendre en compte cette donnée dans les calculs ci-dessus présentés.
 
Enfin, et c’est la donnée la plus importante, il faut pondérer la valeur moyenne totale du cabinet dentaire avec une notation de l’ensemble des items composant l’expertise du cabinet dentaire. L’échelle de valeur de ces items est fonction de la construction de l’audit.
 
Des écarts importants sont observés lors des évaluations de cabinets dentaires. Ils sont expliqués par la différence entre une évaluation strictement comptable et une évaluation réalisée à la suite d’un audit complet d’un cabinet dentaire.
Les estimations devraient toujours être fondées sur des données objectives, mais celles de l’expertise, contrairement à celles d’un expert-comptable, prennent en compte la quasi-totalité des éléments intrinsèques et extrinsèques du cabinet.

Conclusion

La détermination de la valeur d’un cabinet dentaire est un travail ardu de collectes de données aussi diverses que variées. C’est un regroupement et un recoupement d’items aussi objectifs que possible, afin d’être au plus près de la réalité économique de l’entreprise à céder.
Il existe de nombreux autres critères afin d’affiner la valeur d’un cabinet dentaire.
 
En conclusion, il faut garder à l’esprit qu’un cabinet dentaire est une entité soumise au marché. C’est évidement ce dernier point qui imposera le prix de cession. Par expérience, certains cabinets dentaires se vendent sans négociation, d’autres, plus rarement, au-dessus du prix proposé, et la plupart avec une négociation raisonnable. Mais dans tous les cas, seul un prix proposé de cession réellement estimé entraînera une vente, pour autant que les acquéreurs s’y intéresse. L’inverse n’est pas vrai.
 
M. Lionel ORTES, Président et fondateur de la S.A.S. Hippocrate-Transactions